Avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024

Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, le 15 septembre 2023, des prévisions macroéconomiques, de la cohérence de l’article liminaire du PLF et du PLFSS pour 2024, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques, ainsi que du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses contenues dans ces deux projets. Cette saisine a été accompagnée par des réponses aux questionnaires adressés par le Haut Conseil aux administrations compétentes.

 

Synthèse de l'avis

Le Haut Conseil considère que le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2023 est plausible. Grâce à une croissance plus dynamique qu’attendu au 2e trimestre, la prévision du Gouvernement (+1,0 % en moyenne annuelle), inchangée, n’est désormais plus au-dessus de la fourchette des estimations disponibles. La prévision d’inflation, quoiqu’encore un peu faible, et celle de masse salariale sont elles aussi plausibles.

La prévision de déficit public pour 2023 (4,9 points de PIB) est vraisemblable au vu notamment des informations disponibles sur les sept premiers mois de l’année, même si le rendement de certains impôts et le montant de certaines dépenses, notamment l’investissement des collectivités territoriales, restent incertains.

Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance (+1,4 %), supérieure à celles du consensus des économistes (+0,8 %) et des organismes qu’il a auditionnés, est élevée. Pour la totalité des postes de demande (consommation, investissement, exportations), le Gouvernement est plus optimiste que ces organismes. La prévision de croissance suppose notamment que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l’essentiel de ses effets, en particulier sur l’investissement des ménages. Le Haut Conseil note les incertitudes importantes qui entourent l’analyse de la situation économique, du fait en particulier des difficultés actuelles à comprendre de nombreux comportements (taux d’épargne élevé des ménages, faiblesse de la productivité par exemple).

La prévision d’inflation pour 2024 (+2,6 %) est plausible. Elle est toutefois affectée d’un risque de dépassement lié notamment à l’évolution récente du prix du pétrole. Celle de masse salariale des branches marchandes non agricoles (+3,9 % hors prime de partage de la valeur) est elle aussi plausible, le caractère optimiste de la prévision d’emploi étant compensé par une hypothèse de ralentissement du salaire par tête qui paraît trop marqué.

La prévision de déficit public pour 2024 (4,4 points de PIB) conjugue principalement des hypothèses favorables et paraît optimiste. La prévision de prélèvements obligatoires est en effet tirée vers le haut par la prévision de croissance élevée de l’activité et, au-delà, par des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable, arrêt de la baisse des droits de mutation à titre onéreux). De plus, les dépenses risquent de s’avérer plus élevées que prévu, notamment s’agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé (Ondam).

Alors que le scénario du Gouvernement est marqué par une sortie des crises sanitaire et énergétique, le Haut Conseil note que, en dépit de l’extinction des mesures de soutien, les dépenses continueront à progresser sensiblement en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne (hausse nominale des dépenses primaires nettes de 2,6 % contre un plafond recommandé à 2,3 %) et ce alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité à compter de 2024. Dans un contexte où la progression importante de la charge d’intérêts contribue à accroître les dépenses, le PLF contient peu de mesures d’économies structurelles malgré le premier millésime des revues de dépenses organisé en 2023 et prévoit une quasi-stabilité du taux de prélèvements obligatoires.

En conséquence, le Gouvernement prévoit que le ratio de dette publique, après avoir baissé en 2023 grâce à une croissance inhabituellement forte du PIB en valeur, ne se réduirait pas en 2024. La stabilisation attendue en 2024 du ratio de dette est fragile, puisqu’elle s’appuie sur des prévisions optimistes de croissance et de dépenses. Ainsi la France, qui a vu sa position d’endettement relatif au sein de la zone euro se dégrader au cours des dernières années, conserverait en 2024 un niveau d’endettement élevé.

La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance. Le Haut Conseil rappelle que le retour à des niveaux de dette permettant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes est nécessaire pour être en mesure de faire face à l’avenir à des chocs macroéconomiques ou financiers et aux besoins d’investissement public élevés que nécessite en particulier la transition écologique.