Le 22 janvier, le Gouvernement a adressé au Haut Conseil une demande d’avis sur les modifications qu’il prévoit d’apporter au scénario macroéconomique et aux prévisions associées aux projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Sur le fondement de l’article 61 - VI de la loi organique relative aux lois de finances modifiée, le Gouvernement a adressé au Haut Conseil une demande d’avis sur ses nouvelles prévisions macroéconomiques, révisant celles d’octobre 2024 sous-jacentes aux projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Bien que la loi organique ne le prévoie pas explicitement, il a aussi fourni au Haut Conseil sa prévision de finances publiques actualisée. Le Haut Conseil s’en félicite, car cela lui permet ainsi de mieux remplir sa mission d’information du citoyen et du Parlement sur les textes financiers.
Dans le contexte créé par une dégradation importante du déficit public en 2024 pour la deuxième année consécutive, qui expose encore davantage la France au risque de hausse des taux d’intérêt, il est indispensable et urgent que les textes financiers de l’année 2025 soient adoptés en reposant sur des prévisions et des mesures réalistes pour engager la trajectoire de réduction du déficit.
Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+0,9 %), supérieure à celle du consensus des économistes (+0,7 %), est atteignable mais un peu optimiste au vu des indicateurs conjoncturels les plus récents.
De même, la prévision d’inflation (+1,4 %) paraît un peu élevée au vu des tendances récentes et de l’atonie de la demande. La prévision de masse salariale des branches marchandes est un peu optimiste pour 2024 (+3,0 %), compte tenu des données déjà disponibles, et pour 2025 (+2,5 %), compte tenu du ralentissement de l’activité et de la baisse de l’inflation anticipés en 2025.
La prévision de déficit public pour 2024, révisée à 6,0 points de PIB au lieu de 6,1 points en octobre, est plausible même si elle reste affectée d’aléas, notamment sur les dépenses des collectivités territoriales, dont les comptes complets ne seront connus qu’en mars prochain. Elle marquerait une dégradation de 0,5 point par rapport à 2023 et un écart de de 1,6 point par rapport à la prévision du PLF pour 2024.
La prévision de déficit public pour 2025 est révisée en hausse : elle passe de 5,0 points de PIB dans le PLF initial à 5,4 points, du fait à la fois de l’actualisation des prévisions macroéconomiques, de la prise en compte d’informations nouvelles sur l’exécution 2024, et de l’abandon de dispositions prévues par les PLF et PLFSS initiaux pour 2025.
Ce PLF amorcerait l’indispensable trajectoire de réduction du déficit mais offre peu de marges de sécurité. Celle-ci repose en effet sur des mesures à confirmer dans le cadre du débat parlementaire en cours et dans des textes ultérieurs. La prévision de déficit repose aussi sur des hypothèses macroéconomiques un peu optimistes, sur un net ralentissement des dépenses des collectivités locales et une forte maîtrise des dépenses d’assurance-maladie qui doivent être étayées par des mesures plus efficaces que celles qui ont été déployées jusqu’à présent, ainsi que sur une gestion stricte des crédits de l’État.
Alors que la charge de la dette est attendue à 67 Md€ en 2025, en progression de 8,3 Md€, après une hausse de 6 Md€ en 2024, le respect de la cible de déficit de 5,4 points de PIB cette année, dont l’ambition a déjà été réduite par rapport à l’automne dernier, est un impératif dans le contexte d’urgence lié au dérapage des finances publiques en 2023 et 2024. Compte tenu de l’urgence à réduire le déficit, le Gouvernement doit être prêt à prendre les dispositions nécessaires en cas de moins-values de recettes ou de dérapage de certaines dépenses en cours d’année.
Le solde structurel présenté par le Gouvernement s’élève à 5,5 points en 2024, puis à 4,7 points de PIB en 2025, soit un ajustement structurel de 0,7 point. L’écart entre le déficit structurel prévu et celui de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) s’élèverait alors à 1,8 point de PIB en 2024 et 1,4 point en 2025. Ces écarts sont largement supérieurs à 0,5 point de PIB, ce qui laisse présager que, lors de l’examen par le Haut Conseil des projets de lois relatifs aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années correspondantes, ils seront importants au sens de la loi organique. L’ampleur de ces écarts témoigne toutefois du caractère obsolète de la LPFP pourtant promulguée il y a à peine plus d’un an.
Le Gouvernement estime que la croissance des dépenses publiques excède nettement la croissance du PIB potentiel, à politique inchangée, ce qui fait croître spontanément le ratio des dépenses au PIB potentiel de 0,9 point, et que les mesures qu’il prend le font baisser de 1,0 point de PIB. Le Gouvernement ne fournit toutefois pas les hypothèses sous-jacentes à cette estimation qui permettraient d’en évaluer la pertinence.
En tout état de cause, le ratio de dépenses au PIB potentiel ne baisse que de 0,1 point au total et c’est la hausse du taux de prélèvements obligatoires qui explique in fine la quasi-totalité de l’ajustement structurel de 0,7 point de PIB en 2025. Le Haut Conseil souligne l’importance de renforcer la part de l’ajustement structurel en dépenses dans la trajectoire du solde structurel, en l’appuyant sur une évaluation fine de l’efficience et de la qualité des dépenses publiques.
Selon les prévisions du Gouvernement, le ratio de la dette au PIB recommencerait à croître en 2024 et en 2025, pour atteindre 115,4 points de PIB et dépasser ainsi le point haut atteint lors de la crise sanitaire, soit près de 6 points de PIB au-dessus de celle de la LPFP.
Il est indispensable que la France tienne son objectif de retour du déficit sous 3 points de PIB en 2029, comme prévu dans son plan budgétaire et structurel à moyen terme, pour garder le contrôle de ses finances publiques et maîtriser son endettement, tout en finançant les investissements prioritaires et en veillant à ne pas affecter son potentiel de croissance.